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Sipa |
Cerise, l’emblème de Groupama, échappe temporairement à la déconfiture : la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)
va se porter au secours de l’assureur vert, en proie à de graves
difficultés financières. Dimanche soir, dans un communiqué lapidaire, le
groupe mutualiste et la CDC ont confirmé "être en discussion pour la
reprise de la participation de Groupama dans Silic autour d'une
structure d'échange avec des actions Icade", tout en précisant "qu’aucun accord n'a toutefois été conclu à ce stade".
Il faut trouver 2 milliard avant Noël
Selon un article du Figaro, citant une source proche du
dossier, le sauvetage de Groupama se ferait par deux biais : la CDC
rachèterait les 44% de la Silic détenus par Groupama , via sa filiale
Icade. Parallèlement, le groupe achèterait pour 300 millions d’euros
d’actions de préférence de Gan Eurocourtage, filiale de Groupama dédiée au marché du courtage.
Groupama a besoin de 2 milliards d'euros pour passer la fin de
l'année. La solution qui se dessine semble être un compromis entre deux
scénarios : la vente d’actifs non stratégiques, option préférée par Jean
Azéma, l’ancien patron du groupe, débouté par les actionnaires en
octobre, et la cession de morceaux du Gan, considérés comme des
"pépites".
Un patrimoine immobilier estimé à plus de 4 milliards
La vente de la Silic, dont Groupama détient 44 %, pourrait amener
dans les caisses de l’assureur environ un demi-milliard d’euros. Le
groupe pourrait aussi chercher à se défaire d'un patrimoine immobilier
estimé à 4,1 milliards d'euros dans les comptes, avec des plus-values
latentes d'un montant de 1,5 milliard d'euros, déduction faite de la
part revenant aux actionnaires minoritaires.
Autre actif non stratégique: les activités au Royaume-Uni. Mais cette
branche, comme la plupart des filiales étrangères du groupe, est
pénalisée par un écart d'acquisition de 186 millions d'euros. Sa vente
comme celle des titres Société générale, Eiffage ou Veolia se traduirait
par de lourdes pertes comptables. Groupama souhaiterait aussi se
défaire de son activité de private equity, qui a 1,8 milliard d' encours
sous gestion.
Quel avenir pour GAN assurances ?
La partie GAN Eurocourtage, qui n’était en principe pas à vendre,
pourrait valoir entre 700 millions et 1 milliard. En entrant au capital
de cette filiale, très rentable, la CDC semble davantage dans le rôle du
chevalier blanc que d’un repreneur industriel. Cet apport d’argent
frais pourrait laisser à Groupama un peu de temps pour réfléchir à la
cession d’un autre actif stratégique : Gan Assurances. Axa et Allianz
ont déposé des offres de rachat d'un montant respectif de 400 et 600
millions d'euros soit la moitié de ce que veut le vendeur...
"Axa a déjà un réseau important de 3 850 agents et il pourrait y
avoir une question de position dominante" objecte Cyrille
Chartier-Kastler président du cabinet Fact & Figures. De leur côté
les syndicats ont signifié leur hostilité au projet. "L'abandon du GAN
est synonyme de démantèlement du groupe et de danger pour l'emploi",
affirme Joël Mottier, président de la fédération de l'assurance CFE-CGC.
Autre solution envisageable, peut-être moins douloureuse: la
signature d'un traité de réassurance qui réduirait les besoins du groupe
en fonds propres. Groupama pourrait, par exemple, s'entendre avec la
Scor, qui prendrait une partie de ses risques moyennant un partage des
profits. "Les bénéfices d'un traité de réassurance ne sont pas
immédiats, il faut un an pour qu'il ait un effet sur la structure du
bilan", objecte un acteur du secteur. Autre inconvénient: le besoin en
fonds propres diminue, mais la rentabilité aussi. "Ce remède ne
suffirait pas à redresser la marge de solvabilité du groupe", souligne
Cyrille Chartier-Kastler.
Un adossement au Crédit Agricole ou à Covéa ?
Et puis il y a la solution ultime: l'adossement. "Au Crédit agricole,
il y a toujours un groupe de travail dans un coin qui planche sur un
rapprochement avec Groupama", s'amuse un ancien de la banque verte. Pour
l'instant, le rival de toujours de la finance verte est aux abonnés
absents. De surcroît, le Crédit agricole a d'importants besoins de fonds
propres, il doit réduire son bilan et n'a certainement pas envie de
récupérer un assureur en difficulté.
Ces derniers jours, les dirigeants de Groupama auraient tenté
d'approcher ceux du Crédit Agricole, mais sans succès. D'autres
mutualistes seraient intéressés. Covéa, qui regroupe Maaf, MMA et GMF,
attendrait son heure, afin de réaliser une alliance globale à moindre
coût. D'ici là, il faudra peut-être trouver une solution transitoire.
"A court terme, le mieux serait que l'Etat entre au capital du
holding Groupama SA, estime Philippe Picagne. Peut-être comme il l'a
fait pour les banques, sous forme d'actions sans droit de vote. » Le
ministre des Finances, François Baroin, n'a pour l'instant pas répondu
aux syndicats de Groupama qui demandent à le rencontrer.
Delphine Dechaux et Irène Inchauspé
Source: Challenges